FICHE N1 |
Exercice 1 :
Repérer
Procédez à un premier repérage des extraits
suivants en relevant des indices précis permettant de répondre aux
questions élémentaires (quoi ? qui ? quand ? où ? comment ?).
Certaines de ces questions restent-elles sans réponse ?
Texte 1 :
L'orage se déchaînait sur Storrvan. De lourds nuages gris aux bords
déchiquetés accouraient de l'ouest avec vitesse, frôlant presque
la tour qu'ils enveloppaient par moments des écharpes vertigineuses d'une
brume blanchâtre. Mais le vent surtout, le vent remplissait l'espace du déchaînement
de son poids épouvantable. La nuit était presque entièrement
tombée. Les passées de l'ouragan, comme dans une chevelure fragile,
ouvraient de rapides et fugitives tranchées dans la masse des arbres gris
qu'elles écartaient comme des herbes, et l'on voyait alors l'espace d'une
seconde un sol nu, des rocs noirs, les fissures étroites des ravins. L'ouragan
tordait follement cette crinière grise !
J. GRACQ, Au château d Argol, José Corti (1938).
Texte 2 :
Il y avait en Vestphalie, dans le château de monsieur le baron de Thunder-ten-tronckh,
un jeune garcon à qui la nature avait donné les múurs les plus douces.
Sa physionomie annoncait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l'esprit
le plus simple; c'est, je crois, pour cette raison, qu'on le nommait Candide.
VOLTAIRE, Candide (1759).
Texte 3 :
J'ai découvert derrière Ferney une étroite vallée où
coule un filet d'eau de sept à huit pouces de profondeur; ce ruisselet lave
la racine de quelques saules, se cache çà et là sous des plaques
de cresson et fait trembler des joncs sur la cime desquels se posent des demoiselles
aux ailes bleues. L'homme des trompettes (1) a-t-il jamais vu cet asile de
silence tout contre sa retentissante maison ? Non, sans doute: eh bien ! l'eau est
là; elle fuit encore; je ne sais pas son nom; elle n'en a peut-être
pas: les jours de Voltaire se sont écoulés; seulement sa renommée
fait encore un peu de bruit dans un petit coin de notre petite terre, comme ce ruisselet
se fait entendre à une douzaine de pas de ses bords.
CHATEAUBRIAND, Mémoires díoutre-tombe (1848-50).
(1) : L'homme des trompettes: Voltaire.
Exercice 2 :
Comment définir à première
vue le texte proposé ?
(question quoi ?)
a) - Relevez dans la présentation suivante toutes
les informations « périphériques » (extérieures
au texte lui-même: nom de l'auteur, titre, date, résumé préalable)
qui permettent une première approche du type de texte à commenter.
- Rédigez deux phrases qui résument les informations ainsi récoltées
et en déduisent une direction de lecture pour un commentaire.
Marcel, le héros et le narrateur de À la recherche du temps perdu,
sur qui la duchesse de Guermantes vient de faire pleuvoir, au cours d'une soirée
à l'opéra, « l'averse étincelante et céleste de
son sourire », plus que jamais fasciné par elle, ne vit désormais
que pour la voir.
[Texte]
Marcel PROUST, Le Côté de Guermantes, Livre 1(1920), Bibliothèque
de la Pléiade (Gallimard), pages 58 et 59. (Bac 93)
b) Voici maintenant le texte correspondant: faites toutes les
remarques utiles concernant son aspect graphique (aspect d'ensemble, signes typographiques
particuliers).
Maintenant tous les matins, bien avant l'heure où elle sortait, j'allais par
un long détour me poster à l'angle de la rue qu'elle descendait d'habitude,
et, quand le moment de son passage me semblait proche, je remontais d'un air distrait,
regardant dans une direction opposée, et levais les yeux vers elle dès
que j'arrivais à sa hauteur, mais comme si je ne m'étais nullement
attendu à la voir. Même les premiers jours, pour être plus sûr
de ne pas la manquer, j'attendais devant la maison. Et chaque fois que la porte cochère
s'ouvrait (laissant passer successivement tant de personnes qui n'étaient
pas celle que j'attendais), son ébranlement se prolongeait ensuite dans mon
cúur en oscillations qui mettaient longtemps à se calmer. Car jamais fanatique
d'une grande comédienne qu'il ne connaît pas, allant faire « le
pied de grue » devant la sortie des artistes, jamais foule exaspérée
ou idolâtre réunie pour insulter ou porter en triomphe le condamné
ou le grand homme qu'on croit être sur le point de passer chaque fois qu'on
entend du bruit venu de l'intérieur de la prison ou du palais, ne furent aussi
émus que je l'étais, attendant le départ de cette grande dame
qui, dans sa toilette simple, savait, par la grâce de sa marche (toute différente
de l'allure qu'elle avait quand elle entrait dans un salon ou dans une loge), faire
de sa promenade matinale - il n'y avait pour moi qu'elle au monde qui se promenât
- tout un poème d'élégance et la plus fine parure, la plus curieuse
fleur du beau temps.
Exercice 3 :
Dans le texte de Marcel Proust (exercice 2), relevez les indices précis
qui permettent de justifier les affirmations suivantes (question comment ?):
- La syntaxe est complexe.
- L'expression de l'émotion est hyperbolique.
- L'attente est mise en valeur par le système des comparaisons.
Exercice 4 :
Dans le texte suivant:
- Relevez tous les éléments qui permettent de répondre à
la question comment? (style, figures, champs lexicaux).
- Précisez le mode de narration adopté (position du narrateur, point
de vue narratif).
- Constatez-vous des convergences, un rapport de sens, entre les deux séries
d'informations ainsi obtenues ?
(Dans La Curée, Émile Zola évoque la spéculation immobilière
qui enfièvre Paris sous le Second Empire.)
Ce jour-là, ils dînèrent au sommet des buttes, dans un restaurant
dont les fenêtres s'ouvraient sur Paris, sur cet océan de maisons aux
toits bleuâtres, pareils à des flots pressés emplissant l'immense
horizon. Leur table était placée devant une des fenêtres. Ce
spectacle des toits de Paris égaya Saccard. Au dessert, il fit apporter une
bouteille de bourgogne. Il souriait à l'espace, il était d'une galanterie
inusitée. Et ses regards, amoureusement, redescendaient toujours sur cette
mer vivante et pullulante, d'où sortait la voix profonde des foules. On était
à l'automne; la ville, sous le grand ciel pâle, s'alanguissait, d'un
gris doux et tendre, piqué çà et là de verdures sombres,
qui ressemblaient à de larges feuilles de nénuphars nageant sur un
lac; le soleil se couchait dans un nuage rouge, et, tandis que les fonds s'emplissaient
d'une brume légère, une poussière d'or, une rosée d'or
tombait sur la rive droite de la ville, du côté de la Madeleine et des
Tuileries. C'était comme le coin enchanté d'une cité des Mille
et Une Nuits, aux arbres d'émeraude, aux toits de saphir, aux girouettes de
rubis. Il vint un moment où le rayon qui glissait entre deux nuages fut si
resplendissant, que les maisons semblèrent flamber et se fondre comme un lingot
d'or dans un creuset.
- Oh ! vois, dit Saccard avec un rire d'enfant, il pleut des pièces de vingt
francs dans Paris !
ZOLA, La Curée (1871).
Questions d'observation:
1. Relevez et analysez les images (métaphores et comparaisons).
2. Par quel point de vue est perçu dans ce passage le spectacle de la ville
? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur des indices précis.
Exercice 5 :
En quoi la présentation des personnages est-elle originale
dans les deux extraits suivants ? À partir des questions qui et comment, vous
caractériserez notamment le lexique et la syntaxe.
En tenant compte de cette première analyse, imaginez pour chaque texte un
plan précis de commentaire composé.
TEXTE 1 |
TEXTE 2 |
(Le narrateur fait la connaissance de la « vieille Henrouille », une
veille dame qui vit recluse depuis vingt ans dans un réduit au fond d'un jardin
de banlieue, et que son fils et sa belle-fille voudraient faire entrer à l'hospice.) Quand nous eûmes frappé pendant une bonne demi heure à sa porte, elle a fini par ouvrir d'un seul coup et je l'ai eue là, devant moi, avec ses yeux bordés de sérosités roses. Mais son regard dansait bien guilleret quand même au-dessus de ses joues tapées et bises, un regard qui vous prenait l'attention et vous faisait oublier le reste, à cause du plaisir léger qu'il vous donnait malgré soi et qu'on cherchait à retenir après en soi d'instinct, la jeunesse. Ce regard allègre animait tout alentour, dans l'ombre, d'une joie jeunette, d'un entrain minime mais pur comme nous n'en avons plus à notre disposition, sa voix cassée quand elle vociférait reprenait guillerette les mots quand elle voulait bien parler comme tout le monde et vous les faisait alors sautiller, phrases et sentences, caracoler et tout, et rebondir vivantes tout drôlement comme les gens pouvaient le faire avec leur voix et les choses autour d'eux au temps encore où ne pas savoir se débrouiller à raconter et chanter tour à tour, bien habilement, passait pour niais, honteux, et maladif. L'âge l'avait recouverte, comme un vieil arbre frémissant, de rameaux allègres. Elle était gaie la vieille Henrouille, mécontente, crasseuse, mais gaie. Ce dénuement, où elle séjournait depuis plus de vingt ans n'avait point marqué son âme. C'est contre le dehors au contraire qu'elle était contractée, comme si le froid, tout l'horrible et la mort ne devaient lui venir que de là, pas du dedans. Du dedans, elle ne paraissait rien redouter, elle semblait absolument certaine de sa tête comme d'une chose indéniable et bien entendue, une fois pour toutes. L.-F. CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, Gallimard (1932). |
Descendu de cheval, il allait le long des noisetiers et des églantiers, suivi
des deux chevaux que le valet d'écurie tenait par les rênes, allait
dans les craquements du silence, torse nu sous le soleil de midi, allait et souriait,
étrange et princier, sûr d'une victoire. À deux reprises, hier
et avant-hier, il avait été lâche et il n'avait pas osé.
Aujourd'hui, en ce premier jour de mai, il oserait et elle l 'aimerait. Dans la forêt aux éclats dispersés de soleil, immobile forêt d'antique effroi, il allait le long des enchevêtrements, beau et non moins noble que son ancêtre Aaron, frère de Moïse, allait, soudain riant et le plus fou des fils de l'homme, riant d'insigne jeunesse et amour, soudain arrachant une fleur et la mordant, soudain dansant, haut seigneur aux longues bottes, dansant et riant au soleil aveuglant entre les branches, avec grâce dansant, suivi des deux raisonnables bêtes, d'amour et de victoire dansant tandis que ses sujets et créatures de la forêt s'affairaient irresponsablement, mignons lézards vivant leur vie sous les ombrelles feuilletées des grands champignons, mouches dorées traçant des figures géométriques, araignées surgies des touffes de bruyère rose, et surveillant des charançons aux trompes préhistoriques, fourmis se tâtant réciproquement et échangeant des signes de passe puis retournant à leurs solitaires activités, pics ambulants auscultant, crapauds esseulés clamant leur nostalgie, timides grillons tintant, criantes chouettes étrangement réveillées. A. COHEN, Belle du Seigneur. Gallimard (1968) début du roman. |