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RESUMES DES POEMES D'« ETHIOPIQUES »
(d'après l'ouvrage "Ethiopiques" Balises - Nathan 1997)


« L'HOMME ET LA BÊTE » (pp. 99-101)

« L'homme et la bête » est le poème qui ouvre le recueil "Éthiopiques". Porté par le rythme des tam-tams, il traduit le combat immémorial et symbolique des deux personnages génériques que le titre oppose dans une simplicité originelle.
A la faveur de la nuit qui tombe, le poète se met à conjurer les peurs et stigmatise les bêtes immondes. Puis il célèbre l'homme qui se prepare au combat « au rythme du tambour tendu de sa poitrine » : le corps de l'homme, traversé par le rythme, devient alors le lieu de l'harmonie cosmique, dominé finalement par « la pensée qui lui ceint le front ».
Ainsi exalté et enivré par le rythme de la danse, l'homme libère à cet instant toute sa force dans le combat symbolique qui l'oppose à la bête. Le « cri » qui traverse la nuit est celui de la bête vaincue et terrassée à quoi s'oppose le « vaste éclat de rire » de l'homme, porté par le « chant dansé ». L'homme s'affirme ainsi comme le « Dompteur de la brousse », dont la victoire sur l'animal est en relation avec l'avènement de l'aurore.




« CONGO » (pp. 101-103)

Ce poème se présente comme une célébration du grand fleuve africain et il fait appel, dès la première laisse, à l'incantation des instruments de musique, pour lier le rythme de l'eau qui s'écoule au rythme musical.
Dans la seconde laisse, l'eau du fleuve est invoquée comme une représentation féminine : mère de l'Afrique, mais également amante et inspiratrice du poète. Susceptible de délivrer le poète «de la nuit de [s]on sang », elle joue enfin un rôle de purification. La troisième laisse se présente comme un chant exalté qui célèbre la soumission du poète à cette figure mythique, soumission paradoxale puisqu'elle est «appel irrécusable du gouffre ». Mais il s'agit d'une mort qui précède, comme dans les épreuves initiatiques, une renaissance (« au matin transparent du monde ») ainsi que le signale la chute du poème.

« LE KAYA-MAGAN » (pp. 103-105)

Le poème intitulé « Le Kaya-Magan » se présente comme une autocélébration. C'est l'ancien empereur du Mali lui-même qui parle et qui évoque l'importance de son rôle dans son empire, un empire qui s'étend finalement aux limites du continent.
Le Kaya-Magan se désigne d'abord comme celui qui protège et nourrit (première laisse) ; puis, d'un point devue symbolique, comme le principe de toute.vie (« Vous respirez par mes narines», deuxième laisse) et bientôt comme le « Roi de l'or » (troisième laisse). Enfin, il apparaît comme une figure syncrétique, capable d'amour pour « l'Étrangère », mais se présentant surtout comme « force de l'Afrique future ».



« TEDDUNGAL» (pp. 108-109)

Dans la première laisse, le poète, après avoir salué celui qu'il appelle Sall, fait le récit d'une marche à travers le « Pays-haut du Dyêri » en évoquant au passage les « mille embûches des puissants ». Dans la seconde laisse, le thème de la marche, quoique toujours présent, passe au second plan pour laisser place à une évocation lyrique inspirée par l'amour, mais où se mêle le motif d'un itinéraire sentimental et bientôt initiatique (« la rumination du mot essentiel »). Enfin, dans la troisième laisse, plus nettement symbolique, le poète prononce le mot« Teddungal », mot sacré et magique, capable de renverser l'ancien monde et de restituer le monde à sa vérité.

«L'ABSENTE» (pp. 110-115)

Le poème se présente comme un ensemble de sept laisses qui sont matérialisées, pour la première fois dans le recueil, par des nombres. Le titre, énigmatique au départ, désigne celle qui est aimée du poète et qui dans la dernière laisse est nommée « la Présente qui nourrit le Poète du lait noir de l'amour ».
Chacune des laisses obéit à différentes intentions. La premiére est une présentation du poète : «Je dis bien : je suis le Dyâli», c'est-à-dire le troubadour de l'Afrique. La seconde précise que le vrai rôle du poète est de chanter sa bien-aimée absente. La troisième se présente comme un récit élégiaque où le poète souffre de l'absence. Dans la quatrième et la cinquiérne s'exprime un appel au printemps que le poète identifie à son désir de posséder son amante, puis il donne à l'amante les traits de l'Éthiopienne, figure archétypale et originelle de la femme africaine. La sixième laisse est un hymne à l'absente et un blason du corps aimé. Enfin, dans la septième laisse, le poète confie au poème l'ardeur inextinguible de son désir et l'harmonie d'un tel amour : « car à quoi bon le manche sans la lame et la fleur sans le fruit ? »

« À NEW YORK » (pp. 115-l17)

Dans ce poème, le poète africain relate sa découverte de la grande ville de l'Amérique du Nord. Dans la première laisse, il évoque d'abord son émerveillement devant ce décor urbain, mais bientôt c'est l'angoisse qui s'empare de lui, exprimée à travers des images funèbres.
Toutefois, dans la seconde laisse, il concentre son évocation sur le quartier noir de Harlem et redécouvre à cet endroit son Afrique natale à travers les rythmes de la musique de jazz et le rythme du tam-tam. Enfin, dans la troisième laisse, le poète annonce la régénération de la ville par « le sang noir » et la religiosité du tempérament « nègre ».


« CHAKA » (pp. 118-133)

Chant I
« Chaka » se présente comme un poème dramatique en deux chants. Il est dédié aux martyrs bantous de l'Afrique du Sud et possède une évidente intention politique.
Dans le premier chant, plusieurs « voix » se mêlent à celle du protagoniste Chaka qui est fait prisonnier et se trouve sur le point d'être tué. La « voix blanche » lui fait admettre qu'il a dû sacrifier sa bien-aimée, Nolivé, « pour l'amour de son Peuple noir », pour accéder au « pouvoir absolu » qui allait lui permettre de lutter contre la colonisation des Blancs. Et bientôt Chaka identifie cette « voix blanche » à « celle des forts contre les faibles, la conscience des possédants de l'Outre-mer ». Enfin, l'expression sincère de la souffrance de Chaka se heurte à l'ironie de «la voix blanche ».

Chant II
Dans le second chant, la « voix blanche » a disparu. Chaka, à la faveur de la nuit qui vient, repense à celle qu'il a aimée. Le choeur et le coryphée accompagnent cette méditation douloureuse qui s'élargit bientôt à une dimension mythique car, progressivement, la nuit africaine et la femme se confondent. C'est à une nouvelle aube qu'aspire alors Chaka, redevenu le poète, et qui verra apparaître « le soleil du monde nouveau ». Puis, il« s'affaisse doucement : il est mort ».

«ÉPÎTRES À LA PRINCESSE » (pp. 134-144)

La section intitulée Épîtres à la Princesse est composée de cinq poèmes qui se présentent comme des lettres envoyées, sous forme de versets, par le poète à la Princesse de Belborg, son amante.
Le poète a dû se rendre en Afrique et a laissé en France celle qu'il aime. Ces épîtres sont alors l'occasion pour lui de dire la souffrance de cette séparation, d'exprimer son amour pour la Princesse mais aussi la prise de conscience de ses responsabilités politiques et la « passion » de son peuple; il en vient aussi à confronter en lui ses racines africaines et son expérience de l'Occident.
L'ensemble est dédié à la marquise Daniel de Bettenville, mère de la Princesse de Belborg qui deviendra Mme Senghor.
La section est suivie par un poème intitu lé La mort de la Princesse. Ce poème garde son autonomie dans la mesure où il n'est plus une épître, ne s'adresse plus à l'amante disparue, mais se présente clairement comme un hymne funèbre.

« Belborg Belborg ! » (pp. 134-135)
La première épître évoque l'état d'esprit du poète lorsqu'il a quitté la France. Il imagine la Princesse dans la saison de l'hiver, espère recevoir des « courriers » alors qu'il sera « plus loin que Gambie, plus loin que Sénégal ». Tandis qu'il accomplira sa « mission » auprès de son peuple, ce voyage sera aussi pour lui un moment où il pourra méditer sur les « énigmes » de la Princesse.

« Ambassadeur du peuple noir... » (pp. 135-137)
Le poète s'étonne de n'avoir pas reçu une réponse de la Princesse à sa première missive. Il s'en inquiète, d'autant plus que sa mission sera longue.
Mais il déclare qu'il ne cesse de penser à elle. Il célèbre enfin sa beauté, à travers son souvenir, et renouvelle son désir de lire une épître d'elle.

« Comme rosée du soir » (pp. 137-139)
Dans cette épître, le poète déclare sa satisfaction d'avoir enfin reçu une lettre de sa bien-aimée, en qui il voit un être qui lui est complémentaire. Il lui rend grâce de s'intéresser « aux malheurs» de la race noire, et souligne l'élévation de son esprit.
Puis il célèbre sa beauté et termine son épître en lui exprimant son impatience de la retrouver.

« Princesse, ma Princesse ! » (pp. 139-141)
Cette quatrième épître est dominée par le souvenir de la Princesse restée en France. Le poète s'attendrit et se sent nostalgique, évoquant en particulier la fascination qu'exerçait sur lui la Princesse (« C'est toi qui m'attirait dans les soleils »). Puis il rend compte de cette double «passion» qui est en lui : amour pour la Princesse et amour de son peuple qui souffre. Il justifie ainsi son séjour en Afrique, la nécessité de la séparation, mais il ne peut manquer de confier à la Princesse qu'il regrette de s'être évadé de « la prison de [s]on charme ».

« Princesse, ton épître » (pp. 141-144)
Le poète, dans cette dernière épître adressée à la Princesse, précise qu'il a bien reçu sa dernière lettre. Il lui déclare qu'il l'imagine en train de s'entretenir des énigmes avec les maîtres de langue africains qu'il fréquente. Puis il rapporte une énigme qui décrit l'apocalypse du Septentrion, pays de la Princesse, pays qu'il regrette (« J'ai grand besoin des murmures de Mai à Montsouris [...] », p. 143). Il demande alors à la Princesse de venir le rejoindre (« Abandonne ton père abandonne ta mère »), car c'est en terre d'Afrique que se tiennent les forces de la vie.

« La mort de la Princesse » (pp. 145-146)
La mort de la Princesse appartient au cycle des Épîtres à la Princesse, dans la mesure où il est question des mêmes personnages, de leurs mêmes préoccupations (intimes et politiques).
Mais il ne s'agit plus d'une lettre envoyée par le poète à son amante : le poème apparaît en effet comme un hymne funèbre car la Princesse est morte. Le poème se compose d'un préambule de présentation, d'une très longue laisse dans laquelle est citée la dernière épître adressée par la Princesse au poète, et d'une dernière laisse dans laquelle le poète, un moment plongé dans le désespoir (« car à quoi bon sans toi mes terres orphelines », p. 146), laisse percer l'espérance de retrouver la Princesse (« Tu fleuriras au jardin de mon coeur », ibid.).

« D'AUTRES CHANTS... » (pp. 147-l54)

La section intitulée D'autres chants est composée de huit poèmes qui se distinguent par leur incipit et les différents instruments qui les accompagnent. Les six premiers poèmes sont imprégnés d'un lyrisme élégiaque où la femme est célébrée dans son absence, ce qui reprend l'un des thèmes essentiels d'Éthiopiques. Le poète, à travers le chant poétique, tente de se rendre maître du présent et du passé, de la mort et de la vie. Les deux derniers poèmes présentent une orientation chrétienne en faisant appel à Dieu et à la Vierge Marie pour dépasser l'état de mélancolie qui caractérise le final du recueil.

POSTFACE
« Comme les lamantins vont boire à la source » (pp. 15S-168)

Dans cette Postface, L. S. Senghor entend rappeler en quoi la poésie des poètes noirs africains et malgaches tient une place particulière dans l'histoire des lettres françaises.
Il met notamment en lumière des éléments propres à la culture négro-africaine qui rendent compte de la spécificité du chant « nègre » : importance de l'émotion, rôle de la langue, de l'image et du rythme, et il précise l'importance du chant dans la société traditionnelle africaine. Il s'attache aussi à souligner la dimension sociale du « Nègre » en Occident, ainsi que le statut de ce « métis culturel » qu'est l'écrivain noir d'expression française.

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